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L’Événement
Le 3 mars 2020, s’est tenu au Molière a Paris le premier événement « débat » de Centrale Transition.
Une quarantaine de personnes ont participé à ce débat, dont une majorité de première participation à un événement de Centrale Transition. Étaient notamment présentes plusieurs personnes investies de longues dates dans des associations Centraliennes, comme Centrale Energie.
Le thème du débat
Le thème qui a été retenu pour ce premier débat a été le rôle des entreprises dans la lutte contre le changement climatique. Parmi les défis qui attendent les entreprises au XXIème siècle, la lutte contre le changement climatique est une priorité absolue. Cependant on peut légitimement se demander quel rôle les entreprises doivent ou peuvent jouer dans la transition. Doivent-elles se contenter de diminuer l’impact environnemental de leur activité ? Inventer des solutions pour rendre
compatible notre système économique avec une société durable et juste ? Définir de nouveaux modèles de gouvernance permettant de prendre en compte toutes les contraintes environnementales et sociales dans le pilotage de leurs activités ? Éduquer leur marché et faire évoluer les habitudes de
consommation ? Ou bien simplement respecter les réglementations imposées par la loi ? Au-delà de la définition du rôle et de la mission d’une entreprise, on peut s’interroger sur ce qu’est véritablement une entreprise durable. En existe-t-il dans le paysage économique actuel ? Quels sont
les principaux leviers activables pour accélérer la transition des entreprises ? Cela viendra-t-il plutôt des salariés, des dirigeants, des actionnaires, ou bien des recrues potentielles et des exigences du marché du travail ?
Le déroulé de l’événement
Pour ouvrir l’événement, Jacques Portalier a fait un premier tour d’horizon général sur la définition du rôle de l’entreprise dans la société, et sur la façon dont les entreprises, notamment les grands groupes, s’emparent du sujet de la transition écologique et interprètent leur rôle. Dans cette première présentation, Jacques Portalier nous montre ce qui guide les entreprises dans leur action, s’interrogent sur l’efficacité réelle des politiques RSE, des normes B-Corp, des entreprises à mission, et sur la capacité réelle des entreprises à transformer le système de l’intérieur dans le cadre juridique et réglementaire actuel. Il conclue que les entreprises seules ne pourront jamais en faire assez si on ne change pas les
règles du jeu.
Dans un deuxième temps, Maxime Blondeau a présenté l’association Printemps Écologique, montrant que la solution peut également passer par une modification des rapports de force dans la gouvernance des entreprises. En effet la fédération du Printemps Écologique est un éco-syndicat qui vise à mettre l’urgence écologique au cœur de la stratégie des entreprises. Il montre que chaque salarié peut s’engager, en s’appuyant sur le rapport de force syndical, pour accélérer la conversion écologique de
son organisation.
Après ces deux propos liminaires, les participants ont ensuite débattu pendant près de 90 minutes sur le rôle que les entreprises peuvent et doivent jouer dans la lutte contre le changement climatique, mais aussi sur les leviers les plus efficaces et les plus crédibles pour infléchir la stratégie
des entreprises.
Voici la restitution de quelques contributions des débatteurs :
Plusieurs leviers sont déjà à l’œuvre pour accélérer la conversion écologique des entreprises :
- Pression marque employeur
- Réglementation / fiscalité
- Image de marque vis-à-vis des clients
- Capacité à emprunter / relation investisseur
- Pression du marché (habitudes de consommation)
- Pression des salariés
Cependant ces leviers sont inégalement et insuffisamment utilisés à ce stade. Chaque levier peut gagner en force de frappe grâce à une meilleure organisation, de nouvelles instances, une mobilisation plus forte des associations, des élus, des citoyens et des salariés.
Les débats ont beaucoup tourné autour de la gouvernance des entreprises. En tant que telle, une entreprise n’a pas à proprement parler de conscience écologique. Les différentes parties prenantes de cette entreprise (salariés, actionnaires, Etat, élus, associations, clients, investisseurs) vont déterminer, selon leur influence relative, la direction principale de l’entreprise, mais la gouvernance de l’entreprise (conseil d’administration et actionnaires majoritaires) demeure in fine l’organe clef qui va déterminer la volonté ou non d’inscrire l’entreprise dans les enjeux de la transition climatique.
Les débats ont également porté sur la capacité ou non pour les entreprises d’initier des changements radicaux et systémiques. A la fois les grandes entreprises ont une capacité d’innovation, une puissance financière, une capacité à faire évoluer les usages et à déterminer le marché, qui leur
permettent d’avoir des impacts majeurs sur la société, mais tant que l’entreprise est structurellement tournée vers sa survie dans un environnement réglementaire et concurrentiel donné, il ne semble y avoir aucune raison pour qu’une entreprise prenne le risque de se lancer dans
une stratégie de changement radical qui risque de remettre en cause son propre modèle.
Plusieurs pistes semblent émerger :
- Redéfinir les rapports de force pour considérer l’entreprise comme une communauté politique où les influences des différentes parties prenantes peuvent s’équilibrer
- Changer les règles du jeu sur le plan réglementaire, pour forcer les entreprises à entamer leur transition à marche forcée et à tous les niveaux (ne peut se faire qu’à l’échelle européenne)
Clôture du débat
Mathilde DESPAX, Présidente du GATE 17, qui accompagne les instances représentatives du personnel (CSE et Organisations Syndicales), synthétise les pistes débattues lors de cette rencontre et rappelle les évolutions législatives récentes. La loi PACTE a notamment modifié l’article 1833 du Code civil qui définit l’entreprise. Cette définition intègre désormais l’obligation aux entreprises de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités. Les dirigeants doivent donc désormais, pour reprendre l’exposé des motifs de la loi, devenir « les acteurs d’une politique de gestion prenant en considération ces enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de leur société ». Un respect règlementaire qui devient donc opposable à chaque entreprise, par les associations de consommateurs, les ONG, les partenaires sociaux…